Albania

Gazmend KRASNIQI : Palimpseste de poète - I -

Poèmes traduits de l’albanais par Ardian Marashi

vendredi 11 juillet 2014 par en

L’œuvre littéraire de Gazmend Krasniqi regroupe des volumes de poésie, des récits, des romans, des pièces de théâtre et des essais. Peintre de profession et directeur d’une galerie d’art, il s’est très tôt lié à la littérature. Il est tout à la fois critique d’art et traducteur de poètes britanniques.

Ardian Marashi, dont les premières traductions d’auteurs albanais paraissent en 1993 en France, a traduit de l’albanais 1963 poèmes de Gazmend Krasniqi.

Depuis son premier recueil de poésie, Il était un tors d’amour (1993), jusqu’au plus récent, L’Évangile selon le Diable (2004), Gazmend Krasniqi est devenu plus sensible à l’aspect formel de ses textes. Chez lui, c’est la chaîne des représentations qui crée l’idée, le texte lui-même ne devenant intelligible qu’à force de remonter de la représentation au concept, l’accès au message de la parole ne se faisant que par images interposées.

PALIMPSESTE DE POÈTE

1.

Sorti de nulle part et non-invité

2.

L’humanité se ressource pour un temps dans les actes

emptyemptyemptyemptyemptyemviolents de son enfance

3.

S’écrit le diagnostique de la haute température affective

4.

Quand la muse lui met une lire dans les mains, le fleuve

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemarrête sa course,

les fauves sont domptés, les arbres recourbés jusqu’à terre et les pierres

soulevées

Au-delà de l’histoire, au-delà de la fiction

Ou, comme le dit lui-même : "Combien tout cela est

emptyemptyemptyemptyemptyemptymagnifique, bien que

ce ne soit pas vrai."

5.

Hormis le fait qu’il incite des sentiments, des passions,

emptyemptyemptyemptyemptyempour quelle autre raison

l’État lâche dans la nature cette pauvre créature,

tout sans-logis qu’il soit, tout enraciné

dans le royaume des idées

songeant à la liberté,

car qui raconte ses rêves, devrait être

complètement éveillé

6.

Les mots : "Très souvent il dit de belles choses, malgré

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyqu’il en soit"

comme une pluie d’anges gardiens

7.

Pénétrant la masse, la lumière, l’harmonie,

ce doux poison s’appelle rayonnement de l’être humain

8.

Bien que ses jambes traînent sur le sol

les anges lui cèdent le passage

et en contemplant les maisons, les constructions, les villes,

en contemplant les arts et les sciences,

il croit que l’homme, tout condamné qu’il soit au sol, est

le Dieu de la terre, est Dieu sur terre,

la couronne des choses vivantes

9.

Le poète joue, réfléchit, rêve :

Dieu lui-même prend note de ses farces

dès lors qu’il fait les choses mieux que la nature

qu’il en fait de nouvelles que la nature ignore

10.

Pourtant les choses révélées sont réelles et leur nombre

augmente réellement. Quoique

l’océan soit l’océan, les alpes soient les alpes,

quoique la tempête soit tempête

11.

Aussi réellement qu’augmente leur besoin d’être nommées

12.

Aussi se sent-il avoir cinq mille ans

13.

Il regarde ce qu’il était, il est l’ombre originelle

Comme l’oiseau qui se veut le semblable qui chante

seul sur la branche la plus haute

14.

Il se demande comment faire dégager le disque doré du

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptysoleil

et trouver ce qui y brille : la gloire véritable

15.

et il est Cela

16.

Il réalise qu’il se doit d’être Soi-même et considérer

emptyemptyemptyempchacun suivant ses mérites

17.

qu’il se doit d’être l’Unique

18.

Et que cela ne l’empêche pas de courir les champs à la

emptyemptyemptyemptyrecherche de la fleur matinale

19.

Et que cela ne l’empêche pas d’être le seul à en pleurer.

 

ADAM, Â-DAM *

1.

Le corps - symbole de la pensée qui dissimule, la pensée

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptymême - symbole

d’autre chose qu’elle dissimule

Et il ne sait toujours pas s’il va vers la liberté ou s’en

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyéloigne

2.

Il n’a toujours pas la foi ou des mots sacrés, paradis ou

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyempenfer

ses seules richesses - la pensée, les sens

Avant que la chaîne causale n’apparaisse et que les objets

emptyemptyemptyemptyemptyemn’en subtilisent l’énergie.

3.

Il magnifie la pensée car tout se passe comme il le pense :

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyil se sent

un vers de terre mais croit être dans le bon chemin pour

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptydevenir un saint

Il trouve la sainteté dans le vers lui-même

4.

Il ne voit dans le temps qu’une manière de penser

lorsqu’il se hasarde élever son moi aux mots "j’ai raison"

En voyant que Dieu, lui, n’a besoin de rien.

*en albanais ancien, le nom d’Adam, prononcé "â-dam" ("është i ndarë" en albanais d’aujourd’hui), signifie : "séparé / il est séparé de"

 

ÈVE

Puisque s’éclatent en plein soleil du jour et tentations et

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptydiables

Et que mon ombre d’enfant siège sur les genoux de Dieu

Tellement raisonnable l’incompréhensible

J’étais l’inséparable des cieux

emptyemptyLe mardi le jeudi le dimanche

emptyemptyDe l’été de l’automne de l’hiver

Mon âme recherchait un grain de sable

Pour y lire l’incommensurable

emptyemptyEt j’ai vu des mots s’égarer

Comme des arômes, et j’ai vu des silences labourés

emptyemptyEt des battements de coeur

emptyemptyEt des chants de rossignol

emptyemptyEt des presages de pluie

Et je me suis tellement enfoncée dans l’ardeur de ma race

Et je me suis tellement enlisée dans l’horreur

Et sur tout cela ne cessent de chanter les Muses

emptyemptyL’humanité entière n’a qu’une seule amoureuse

emptyemptyComme l’air qu’elle respire

En chansons la journée n’est-elle pas un peu courte

Comment savoir à qui l’on appartient quand on n’est

emptyemptyQu’une âme

Comment savoir où mène la splendeur vagabonde

emptyemptyCelui qui n’arrête de poser des questions

Ne voyais-tu pas dans ton rayonnement

Ne le voyais-tu pas comme signe de prépondérance et de

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyempforce

Ouverte à tous les vents au coeur de la santé

La paix ne s’affronte que par la force de l’âme Celui

Qui n’arrête de poser des questions Peut-on se fier à son

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemâme

Jusqu’à la fin, est entré en moi

emptyemptyEst devenu le Moi que je suis

Est entré comme un couteau pointu des sens (grand vide

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptydans mon coeur)

Car je dois regarder ce monde-là, je dois le posséder

emptyemptyEst entré comme cet air édifiant d’une certaine

emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyempchanson

Ne t’affole pas par de folles pensées, mais passe ton chemin

emptyempty- La nature n’aime pas

Être observée, elle nous veut pour compagnons de jeu :

Dès lors, il ne reste plus que la mort

emptyemptyLa seule réalité

(On pourrait s’en féliciter) qui ne nous nie pas.

Poèmes publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur.


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