Gazmend Krasniqi : PALIMPSESTE DE POÈTE - II -
vendredi 15 août 2014 par en
Depuis son premier recueil de poésie, Gazmend Krasniqi était un tors d’amour (1993), jusqu’au plus récent, L’Évangile selon le Diable (2004), Krasniqi est devenu plus sensible à l’aspect formel de ses textes.
Chez lui, c’est la chaîne des représentations qui crée l’idée, le texte lui-même ne devenant intelligible qu’à force de remonter de la représentation au concept, l’accès au message de la parole ne se faisant que par images interposées.
Peintre de profession et directeur d’une galerie d’art, Krasniqi s’est très tôt lié à la littérature, tant comme critique d’art et traducteur de poètes britanniques, que par son oeuvre littéraire originale. Celle-ci, placée sous le signe de la diversité, regroupe des volumes de poésie, des récits, des romans, des pièces de théâtre et des essais.
Ardian Marashi, dont les premières traductions d-auteurs albanais paraissent en 1993 en France, a traduit de l’albanais 1963 poèmes de Gazmend Krasniqi.
LE JARDIN DE KANT
Dans le petit jardin hommages d’eaux et de coquillages. Je n’avais personne à qui confier mes pertes dans le temps : mince fossé à travers le gravier du coeur
invitant les morts lointains à se réveiller. Les vivants sont plus loin encore. Rien ne comble l’abîme : des mots, nous ressemblant tant soit peu, deviennent soirs
Sans ailes de mouettes. Mais des astres imaginaires, aux chemises de délire, parlent à des puits, à des citernes, au risque de frôler eux aussi l’hallucination
Avant de disparaître aux frontières du non-être. Ne souhaitant tout juste qu’interpeller la mémoire. Ne souhaitant tout juste que nous interpeller.
Et ce mystère, qui les rend d’autant plus attrayants, devient à présent ma seule conversation. Surtout je voudrais ne raconter que cela dans ma vie
Tandis que je traîne par ici, tandis que je cogite que c’est peut-être à cela que rêve sur ces lieux le jardin minuscule et muet - ou encore
La liberté de penser elle-même : le seul trésor qui devra nous survivre à travers la course des planètes et les devoirs civiques.
NOTES SUR LA RÉALITÉ DU SOI
L’âme qui brame et qui blâme l’infâme et nuages et mirages brodés dans le ciel : soumises et subjuguées, parties les nostalgies
Dans le monde des déserts incolores des départs : plus que dans le vent l’âme gémit dedans, là où aucune épitaphe n’est jamais absente,
les chaussettes filées par maman et offertes pour l’hiver, triste musique d’un départ pressant qui peuple, soustrait des peines moins dures
Et l’immanquable solitude, le pain, l’eau - l’homme aux grands besoins de méditation soutenue de longue méditation soutenue sur le tout inexpliqué,
Sur l’acceptation même de la vie - pensée-éclair venant élucider dans la chambre les énigmes du monde : l’épreuve de la quiétude, la plus difficile de toutes.
ARS POETICA
Dans l’oiseau malheureux sur couche de feuilles qui noya dans sa complainte le jardin embrumé, depuis très longtemps l’âme de l’automne aux langoureuses cantilènes de pluie
réclame à la cloche dérobée du soleil l’église de la messe à l’intérieur d’un coeur d’oiseau mort. À travers sa mémoire tenace - ardente, voluptueuse,
aérée, archaïque - aboutit le goût du fruit : l’endroit où se fait et se défait la vie, une souche de tragédies scandaleuse : aboutit de personne vers tout le monde. C’est
la mort de l’auteur dans la trame du texte. L’art ne tue pas le non-art : libre à vous de demander combien de cafés prenait-il, combien de cigarettes fumait-il. emptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyemptyL’art se nourrit du non-art. Sauf que nous sommes
trop près de nous-mêmes, trop près des objets, trop près de notre main qui griffonne, il suffit d’une poignée de vers, comme "prend cette larme miellée" ou "l’automne file"
il suffit de si peu pour que quelqu’un, ce soir, élise sa maison au coeur d’un poème en retirant de plein gré pour votre pur plaisir le voile de ses journées monotones : une cloche
sonnant dans l’église de la perte des illusions, pour proclamer au monde cette vérité : que l’auteur est sauvé quand il meurt.
en
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