Albania

Panorama du paysage culturel en Albanie

mercredi 15 décembre 1999 par en , Evelyne Noygues

En 1999, la situation des institutions culturelles en Albanie est de toute évidence catastrophique, et les conséquences du conflit au Kosovo demeurent lourdes pour le secteur culturel : budget du ministère de la culture gelé, impossibilité pour les collectivités locales et les communes de poursuivre leurs actions en raison de l’afflux de réfugiés, préoccupations de la population, etc. Pourtant, les hommes et les femmes de culture ont à un double titre, en tant que citoyens et artistes, participé aux actions de solidarité avec les réfugiés : notamment par des concerts en plein air dans les camps de réfugiés.

La Culture est, comme souvent, le "parent pauvre" d’un pays qui se débat depuis le début de la décennie 90, dans un chaos économique, politique et social. Ce bref survol de la situation de la culture ne doit pas cependant conduire au pessimisme. De nombreux responsables culturels - et nous avons pu le constater à Tirana mais aussi dans les villes en régions, à force de volonté - parviennent à faire fonctionner leur théâtre, leur bibliothèque, leur musée. Tous les acteurs du tissu culturel n’ont pas baissé les bras. En dehors d’artistes et d’intellectuels qui se battent individuellement pour la survie de leur Art, des institutions travaillent, elles aussi, avec des moyens réduits pour sauver leur héritage culturel.

Voici quelques exemples, parmi beaucoup d’autres :

Dans les Arts Plastiques

Les Arts plastiques ont la faveur des autorités de la capitale puisque le ministre de la Culture, Edi RAMA, est un peintre connu et le fils d’un sculpteur encore plus apprécié, Kristaq RAMA.

Accompagnant le changement du régime et l’ouverture du pays à l’orée des années 1999, de nombreuses galeries se sont ouvertes. La toute première galerie avait été confiée à Eleni LAPERI, artiste-peintre, qui à présent travaille aux côtés du jeune conservateur et directeur de la Galerie nationale des Arts, Gëzim QENDRO. Cette "institution" de la diffusion des arts plastiques en Albanie présente à la fois des expositions temporaires et une collection permanente d’oeuvres (peintures, sculptures, céramiques, etc.) de facture nationale depuis le début des arts plastiques en Albanie et jusqu’à l’époque communiste.

A ce propos, la Galerie nationale des Arts vient de rassembler plus d’une centaine d’oeuvres de la période communiste dans une exposition présentée en ce moment à Bari en Italie.

La Galerie Nationale des Arts parvient non seulement à organiser des expositions intéressantes, mais aussi à réaliser une remarquable revue d’actualité artistique en albanais et en anglais intitulée "PamArt".

Dans le secteur des Musées

La situation est très délicate, car beaucoup de musées sont fermés pour des raisons de sécurité. Plusieurs, dont celui de Butrint, ont été pillés lors de l’effondrement des sociétés financières pyramidales en 1997. Aujourd’hui, le Musée National de Tirana est un des rares à pouvoir être ouvert régulièrement. Son directeur, Moïkom ZEQO, y maintient une activité dynamique et organise notamment des visites guidées pour le public.

En province, la situation est encore plus grave. La forteresse de Gjirokaster, située dans la célèbre citadelle décrite par KADARE, est difficile à visiter ainsi que le Musée des Armes qui y est implanté.

Dans le secteur de l’Archéologie

En archéologie, un grand dossier occupe tous les esprits : la construction d’une autoroute allant vers la Macédoine à l’emplacement de l’ancienne voie "Egnatia". L’Institut des Monuments de la Culture et l’Institut d’Archéologie semblent impuissants à protéger de la destruction des tombes datant de 200 ans av. J.-C. et situées le long de cette voie ancienne qui traverse notamment le district de Kavaja.

Ils ont récemment fait appel au président de l’Académie des Sciences, le Pr. Ylli POPA, pour lancer un véritable "appel à l’aide" au chef de l’exécutif albanais, le jeune Premier ministre Pandeli MAJKO.

La ville de Kruja, patrie du conquérant Gjergj Kastriote Skënderbej, est confrontée à des problèmes de sauvegarde du patrimoine : les remparts de l’ancienne citée et la rue médiévale jalonnée d’échoppes réservées aux artisans auraient besoin de sérieuses restaurations.

Dans le secteur des Bibliothèques

La Bibliothèque nationale est la plus grande institution du pays. Elle réunit tous les attributs d’une bibliothèque nationale et fonctionne en plus comme un bibliothèque municipale de prêt pour les habitants de Tirana. Elle dispose naturellement d’un fonds très important provenant de la période communiste. Elle s’intéresse principalement aux sciences humaines et propose un fonds de périodiques très riches. Beaucoup de titres sont en langues étrangères. Elle offre un grand choix d’ouvrages s’intéressant à l’Albanie et aux autres pays de la zone.

Si la Bibliothèque nationale à Tirana peut compter sur certaines aides internationales, la situation dans les autres villes est très difficile d’autant que certaines ont été pillées durant les émeutes de 1997 (par exemple la bibliothèque universitaire d’Elbasan).

Dans le domaine du Théâtre

Le Théâtre national vient, lui aussi, de passer une très mauvaise année. Les rumeurs traditionnelles de sa fermeture "pour éviter les attroupements devant le ministère de l’Intérieur qui lui fait face" se sont renforcées au cours de la saison 1998-1999. La troupe des comédiens et techniciens de cette institution nationale - elle aussi cruellement atteinte par la crise économique qui a éloigné le public des lieux culturels qu’il fréquentait assidûment auparavant - s’est acharnée à faire vivre cette institution qu’on disait condamnée.

Pendant le conflit au Kosovo, le théâtre a accueilli un metteur en scène kosovar,Hadi , également directeur du Théâtre de Gjakove. Et les acteurs de Tirana ont travaillé sous sa conduite. Plus récemment, le metteur en scène albanais Armand BORA, assisté de Vasian LAME à la direction artistique, a présenté sur la scène du Théâtre national une adaptation de la nouvelle "Qui a ramené Dorountine" d’Ismaïl KADARE sous le titre "Le rêve d’une nuit d’hiver". Cette mise en scène avait auparavant fait l’objet d’un travail de mise en scène dans un atelier de théâtre inter-balkanique organisé en Bulgarie par l’animateur de la Compagnie Pygmée Idées, Claude BONIN.

Dans le domaine du Cirque

Parmi les arts populaires, le cirque de Tirana, situé sur la place centrale de la ville au dos du Musée historique et du Théâtre de l’Estrade, continue à donner des représentations sous un chapiteau ceinturé par les blocs d’immeubles. En outre, c’est également un établissement de formation qui accueille des enfants pour les entraîner à la gymnastique, à l’acrobatie, à la jonglerie, etc.

Dans le secteur du Cinéma

Seule capitale d’Europe à ne plus posséder de salle de cinéma, Tirana vient enfin d’inaugurer en août la salle du "Millenium" à l’emplacement de l’ancien "Républica", grâce notamment au fonds Europa- cinéma.

La production cinématographique annuelle est loin d’atteindre les 12 et même 14 longs métrages de la fin de la période communiste. Les deux principaux films de fiction de la décennie actuelle sont : "La mort du cheval" de Saïmir KUMBARO et "Colonel Bunker" de Kujtim CASHKU. Ils décrivent avec beaucoup d’émotions les années douloureuses vécues par une société bâillonnée sous le régime instauré par le dictateur Enver HOXHA.

Malgré les dégradations subies par le Kinostudio à Tirana, les cinéastes albanais arrivent malgré tout à réaliser des courts métrages. Un des derniers en date vient d’être présenté en compétition au Festival de Venise. Il s’agit de "Funeral Business" de Gjergj XHUVANI qui relate, au travers de l’itinéraire d’une mère de famille, la ruine de milliers d’Albanais au moment de l’effondrement des sociétés financières pyramidales en 1997.

Dans le secteur de la Télévision et de la Radio

Les initiatives locales se sont quant à elles multipliées. quatre TV locales en plus de la TV nationale coexistent à Tirana, Korça, Durrës, Fier et Kuçova ont chacune leur propre réseau, souvent liée à des groupes de presse.

Mais là encore l’absence de moyens conduit ces chaînes à ne pas conserver les quelques émissions qu’elles produisent, en raison tout simplement du manque de bandes vidéo. Leur pérennité n’est pas évidente.

Dans le secteur de l’Education artistique

Les municipalités et les enseignants s’efforcent de participer à l’éveil des enfants, notamment à la musique.

A titre d’exemple, la petite ville de Gramsh (50 km d’Elbasan ) s’est efforcée de développer des classes de musique. Mais jusqu’à présent seuls les professeurs disposaient d’instruments et devaient les prêter aux enfants pour qu’ils puissent en jouer .

Notre association et l’association CEMPEA ont uni leurs moyens pour acheter une guitare et un synthétiseur qui leur permettent dès à présent de s’exercer et de réaliser des spectacles

Conclusion

Les institutions culturelles en Albanie sont de plus en plus dépendantes du soutien d’organisations internationales (l’Unesco s’intéresse à Butrint, le Conseil de l’Europe à Berat et à Gjirokaster ainsi bien sûr que l’Union Européenne) et de fondations telles que Soros très présentes dans ce pays. Des associations plus modestes fournissent aussi des dons en matériels (livres notamment) très attendus.

Cependant, il ne faut pas négliger les coopérations bilatérales : la coopération albano-italienne par exemple a permis la réalisation d’une exposition et d’un catalogue consacrés à l’art en Albanie de 1945 à nos jours (la première étape s’est déroulée à Bari). Du côté français, la création d’un Institut français à Tirana en l’an 2000 devrait, en liaison avec les alliances françaises, permettre de donner un nouvel élan à notre coopération./. EN & PH


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