Roland TREBICKA : un grand acteur trop tôt disparu
lundi 26 mai 2014 par en , Evelyne Noygues
Acteur incontournable du théâtre albanais disparu en 2013, Roland Trebicka est célèbre pour ses rôles de composition au-delà des frontières de son pays.
Sa notoriété dans le monde du théâtre albanais s’apparente à celle de Jacqueline Maillant en France dans les années 1970-80. Sa fille, Maniola, parle de sa relation avec son père et de ses souvenirs de l’acteur.
Albania : Qui était Roland Trebicka ? Comment s’est-il fait connaitre du public albanais ?
Maniola TREBICKA : Mon père était connu pour son engagement artistique intense. Il travaillait ses rôles d’une manière telle qu’il surprenait à chaque fois le public par la force et l’originalité de ses compositions... jusqu’à se rendre méconnaissable.
Sa notoriété en Albanie s’est trouvé renforcée par l’importance qu’avait le théâtre dans la culture albanaise, entre autre à cause de la faible place de la télévision jusqu’à la fin des années 90. Il a cependant tourné dans quelques films tout en affectionnant plus particulièrement le théâtre.
Il était très fier que sa ville natale, Korça, lui ait accordé le titre de citoyen d’honneur pour son travail artistique.
Roland Trebicka s’est fait connaître du public albanais dès le début des années 70 sur la scène du « Teatri Popullor », théâtre de la Comédie, où il a joué plus de 300 rôles. Au milieu des années 80, la pièce qui l’a rendu le plus célèbre est sans aucun doute « Pallati 176 », l’histoire des habitants d’un immeuble... Elle a été jouée plus de 500 fois dans tout le pays et retransmise, dès les années 80, par toutes les chaînes de télévision. Plus de 100 000 DVD ou K7 ont aussi été vendus...
Outre le personnage de Jovan Bregu dans Pallati 176, je dois dire que d’autres rôles ont contribué à le faire connaître et aimé du public : Boeing Boeing où il interprétait le rôle principal de Bernard, Dîner de Cons où il jouait Pierre Brochant interprété à l’origine par Thierry Lhermitte, ou encore dans le célèbre Barbier de Séville de Beaumarchais où il était un Comte Almaviva flamboyant.
Albania : Quel est le premier souvenir que vous avez de votre père en tant que comédien ? Aussi bien au théâtre qu’au cinéma.
Maniola TREBICKA : Mes premiers souvenirs ? Je devais avoir tout juste cinq ans ! Je me souviens de sa loge quand il se maquillait et s’habillait... des coulisses aussi pendant les répétitions.
Je me rappelle lorsqu’il m’emmenait au théâtre sur son vélo... et de mon cœur qui battait pendant les représentations lorsque je suivais la spectacle depuis la régie. Avec mon regard de petite fille, je ne comprenais pas que ce qui se jouait sur scène était une farce. Je le vivais comme si tout ce qui se passait sous mes yeux était la réalité. Et j’angoissais qu’on puisse lui faire du mal ou alors j’étais prise par d’irrépressibles fou-rires ! Le comble de l’émotion était pour moi quand arrivait la fin du spectacle et que le public se levait pour ovationner mon père...
Albania : Quels sont les rôles qui l’ont le plus marqué ? Ceux dont il vous parlait ?
Maniola TREBICKA : Parmi les 300 personnages qu’il a interprétés, mon père a joué plus de 110 premiers rôles… Tous lui ont apporté beaucoup de joie, mais c’est peut-être le personnage d’Almaviva dans le Barbier de Séville, sous la direction d’Eric Vignier, qu’il a joué non seulement en Albanie mais en France et jusqu’en Inde... qui l’a le plus marqué, ainsi que celui de Spirache (Spiragu) dans La Valse du Titanic de Tudor Musatescu, l’une des plus savoureuses comédies du répertoire roumain mise en scène par Alfred Bualoti et Andon Qesari.
Roland Trebicka s’est également illustré dans les rôles de Gennarino Fucecchia dans La Grande Magie d’Edouardo De Fillipo, de Sganarelle dans le Don Juan de Molière, de Hlestakov dans la farce de Gogol, Le Réviseur, etc. Pour le rôle du garde dans Le roi se meurt de Ionesco, il avait été pressenti comme meilleur acteur au Festival international du Théâtre expérimental du Caire, en Égypte.
C’est en tout cas les personnages dont il m’a le plus parlés. J’en déduis donc qu’il les a affectionnés particulièrement mais il doit y en avoir certainement bien d’autres... Je pense que la collaboration avec un metteur en scène d’une autre culture a rendu ces expériences plus passionnantes que la simple interprétation d’un rôle du répertoire albanais ou international.
Albania : Comment ce sont passés ses débuts sous la période communiste ? La transition démocratique des années 90 a t’elle changé le cours de sa carrière ? A t’il vu s’élargir le spectre des rôles et des auteurs qu’il pouvait alors interpréter ?
Maniola TREBICKA : C’était quelqu’un de droit, fort de beaucoup de principes, qui s’était fait un devoir de rester en retrait de la vie politique. Le tournant des années 90 n’avait rien changé à sa philosophie de participer à la diffusion de la culture sans faire de politique. Il est toutefois vrai qu’après les années 90, le monde du théâtre a joui d’une plus grande liberté dans le choix des œuvres et de l’expression artistique sans plus être soumis à la censure idéologique qui s’exerçait auparavant.
Albania : Vous êtes une artiste, pianiste concertiste. Votre père était un homme de théâtre. Qu’avez-vous appris de lui ? Qu’aimeriez-vous que les jeunes générations retiennent de lui ?
Maniola TREBICKA : J’ai retenu de lui son sens de la perfection dans le travail artistique, la valeur du travail... on ne réussit qu’en travaillant ! L’une de ses plus grandes qualités, dont j’ai héritée sans doute malgré moi, est de ne jamais baisser les bras et de toujours achever ce que j’ai commencé...
J’aimerais que les jeunes générations retiennent de lui son humilité, le respect des autres quelque soient leurs origines ou leur culture ainsi que sa passion démesurée pour l’art et plus particulièrement pour le théâtre.
Albania : A t-il laissé un héritage professionnel auprès de comédiens plus jeunes ? Sous quelle(s) forme(s) ? Enseignait il le théâtre ? Régulièrement ou sous forme d’ateliers plus ponctuels ?
Maniola TREBICKA : Les nombreux enregistrements de ses pièces peuvent servir comme autant d’exemples aux jeunes comédiens. Bien qu’il n’enseigna pas, il accueillait souvent des jeunes pendant ses répétitions avec qui il échangeait volontiers. Il acceptait régulièrement, et avec le plus grand plaisir, des rôles à l’Académie des Arts - où l’on enseigne le théâtre en Albanie - dans des pièces montées par des étudiants. Il parrainait occasionnellement une promotion de l’Académie des Arts et travaillait avec les étudiants avec la même ardeur qu’avec ses collègues professionnels.
Albania : A votre connaissance, pour commémorer sa mémoire un an après qu’il nous ait quitté, des événements sont-ils prévus en Albanie les mois qui viennent ?
Maniola TREBICKA : Il y a eu plusieurs documentaires et rétrospectives tournés pour la télévision. Les pièces et les films dans lesquels il a joué continuent d’être régulièrement diffusés. Une émission spéciale intitulée Pantheon lui a été récemment consacrée.
Interview réalisée par Evelyne Noygues@mai2014
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